Problématique de la Pêche en Mauritanie...Mise au point pour l’histoire/ Aly Mohamed Ould Ebnou

أربعاء, 07/29/2020 - 23:07

 

Le secteur de la pêche en Mauritanie souffre d’une série de difficultés structurelles et chroniques qui nécessitent l’élaboration et la mise en œuvre d’une stratégie globale, avec l’implication de tous les acteurs du secteur, ce qui permettrait à ce dernier de faire face à sa situation actuelle difficile et de sortir de l’impasse dans laquelle il se trouve.
Avant d’entrer aux détails, il va sans dire que les côtes mauritaniennes sont les plus riches dans le monde en poisson, aussi bien en quantité qu’en qualité. Il est aussi évident que ces richesses en poisson ont été ces dernières années la cible d’une surexploitation inouïe.
Le nombre de bateaux étrangers opérant dans le domaine de la pêche dans les côtes mauritaniennes en 2016 était d’environ 400, répartis entre les pays du Sud-Est asiatique et l’Union Européenne. Certaines statistiques montrent le grand écart en recettes du budget de l’Etat entre la part des flottes étrangères et celle de la flotte nationale, celle des premières représentent 66 %, tandis que celle des dernières n’est que 6 %, ce qui reflète l’emprise des flottes étrangères sur le secteur au détriment des armateurs locaux qui souffrent de manque de moyens et de la compétitivité des bateaux étrangers. Des estimations officielles montrent qu’aux alentours de 95 % des captures faites en Mauritanie sont exportées à l’étranger, seule une quantité incongrue composée d’espèces à bas prix est destinée aux marchés locaux.

 

Poly Hondong.. le désastre biologique..

 

La compagnie chinoise Poly Hondong utilise la technologie de pointe ultra moderne lui permettant d’ « aspirer » la richesse halieutique du pays. Des aménagements ont été introduits sur les lois organisant la pêche afin que celles-ci s’accommoder aux exigences du nouveau venu et concomitamment avec son arrivée. Ainsi une loi contre la surexploitation des ressources halieutiques interdisant la connexion de filets gigantesques entre deux bateaux de pêche industrielle a été abrogée, et ce pour satisfaire les Chinois qui ont trouvé ce qu’ils n’en rêvaient même pas il y a des décennies.
Cette convention inéquitable ayant lourdement porté préjudice aux intérêts de l’Etat mauritanien, a fait l’objet d’un rejet de larges pans de l’opinion publique, non seulement de la part de l’opposition représentée au Parlement mauritanien, qui avait connu des séances houleuses lors de la discussion du projet de ladite loi, mais plutôt le refus des investisseurs nationaux dans ce domaine ; leurs rejets, bien documentés, ont été consignés à temps sous forme d’articles et d’interviews avec la presse locale et internationale.  
Malgré la propagande pompeuse faite par les organes officiels sur ce sujet, ladite compagnie 8n’a pas respecté la moitié de ses engagements dans le domaine de l’emploi pour lequel elle a donné des promesses ; jusqu’à présent, elle n’a pas encore embauché un millier de mauritaniens de deux mille qu’elle a promis d’embaucher, et ce malgré la longue durée de son privilège qui cours pour un quart de siècle et pour lequel la Mauritanie ne recevra aucune contrepartie, excepté de modestes infrastructures qui puissent même se délabrer avant la fin de la durée de la convention.
Il existe d’autres conventions avec d’autres compagnies chinoises, telles la compagnie "Sun Rise" et autant d’autres sur lesquelles se posent assez de questions.

 

Les compagnies turques .. le concurrent acharné des compagnies nationales..

 

En plus de ce qui précède, les flottes de pêche turques mènent une guerre sans répit pour concurrencer, avec acharnement, la flotte nationale. Celles-ci ne respectent guère les captures autorisées.. Les bateaux turcs opèrent dans le domaine de la pêche sur les côtes mauritaniennes dans le cadre d’une convention maritime se limitant à la pêche pélagique.  Certains spécialistes pensent que les bateaux turcs ne respectent pas les clauses de cette convention, ce qui constitue une menace réelle pour l’avenir de cette ressource renouvelable, mais aussi pour son présent.
Des internautes vivant à la capitale économique, Nouadhibou, ont fait circuler des séquences de vidéos montrant des agissements de bateaux turcs préjudiciables à l’écosystème dans les eaux mauritaniennes, considérant qu’ils constituent « un carnage » contre l’une des espèces de poisson la plus importante, à savoir « la Courbine ». Ceux-ci voient dans telles pratiques imputables aux navires turcs géants la plus grande menace contre la richesse halieutique en Mauritanie, après Poly Hondong, à travers le recours à des procédés de capture proscrits par les normes internationales spécifiques pour l’équilibre de l’écosystème dans les mers et les océans..
Certains opérateurs ont déjà commencé à tirer la sonnette d’alarme, soulignant que les bateaux turcs utilisent une panoplie d’engins spécifiques pour la capture de poissons composée de filet capable de balayer toutes les espèces maritimes, y compris les rares poissons dont la pêche est interdite. Ces pratiques constituent une menace d’extinction des espèces de poisson les plus importantes et portent préjudice à leur reproduction biologique, ce qui conduit inexorablement à la diminution sensible de leur nombre et à leur disparition. Les marchés locaux en ont déjà ressenti la rareté et la montée de leur prix, notamment ceux pour lesquels la demande des couches de la population de revenu modeste est plus forte.   
Tout ce qui a été dit exige la révision, sans tarder, de toutes les conventions déjà signées pour qu’on puisse sauver ce qui peut l’être de cette richesse renouvelable considérée jusqu’à présent, malgré la présence d’autres ressources du pays, telles que le fer, l’or, l’agriculture, etc., comme étant la plus importante pour l’économie mauritanienne.

 

La pêche industrielle locale.. la solution prometteuse..

 

Les côtes mauritaniennes s’étendent de la presqu’ile du Cap Blanc jusqu’au delta du fleuve Sénégal, sur plus de sept cent kilomètres. Les courants maritimes se déplaçant en profondeur convergent vers les eaux mauritaniennes, notamment le courant froid venant des iles Canaris et celui plus chaud de l’Ecuador. Ces courants apportent les résidus et les plantes maritimes, ce qui contribue à la création d’un environnement favorable pour la reproduction de poissons et attirent des espèces migratoires. La superficie de la zone économique spécifique pour la pêche est de 230 mille Km2, en plus de la présence d’une berge continentale de 39.000 Km2.
Ces facteurs réunis ont permis aux côtes mauritaniennes d’être parmi les premières en richesse de poissons et d’espèces maritimes à travers le monde.
Ainsi, 170 espèces de poissons et créatures maritimes exportables y vivent dont les plus importantes : poulpe, crevette, sole, turbot, sardine, barbeau jaune et noir, langouste, escargot, en plus de certaines rares espèces de dauphins, etc.
La Mauritanie peut tirer énormément profit de ces potentialités. Si les responsables aux commandes des affaires publiques adoptaient le choix de conservation et la mise en boite (conserverie), la stimulation de l’investisseur local, nos ressources renouvelables de la pêche pélagique  nous  permettraient la production d’un million de tonnes annuellement, ce qui suffit pour créer un demi million (500 mille) d’emplois et conduit à l’émergence d’investissements mauritaniens réels dans le domaine de la pêche industrielle, à tel point que la Mauritanie pourrait même importer la main d’œuvre expatriée.
Le devoir des autorités supérieures d’un pays est de s’intéresser au secteur de la pêche industrielle, car c’est à travers lui qu’on peut créer une industrie réellement rentable pour le pays.

 

Ports de pêche.. grande ambition, difficultés, pataugeage ..

 

Le port de Tanit est le plus grand port artisanal dans le pays. Sa superficie est de 8500 m2, il se situe à 60 Km au Nord de Nouakchott. Son coût sur le budget de l’Etat  est de 27 milliards d’ancienne ouguiya. Il permet le mouillage de plus de 400 pirogues et embarcations de petite à moyenne taille. Il dispose de deux quais de déchargement et de chargement, chacun d’une longueur de 100 m, des chambres froides et des entrepôts, en plus d’un réseau d’adduction des eaux et d’assainissement. Il comporte aussi un marché de vente de poissons d’une capacité de 1740 m2, une centrale électrogène d’une puissance de 3000 kilo watts  et une autre pour l’adoucissement des eaux ayant une capacité de 1000 m3/j ; à cela s’ajoutent les services essentiels pour s’adonner aux activités liées à la pêche artisanale.
Cependant, ce port n’est pas adapté au mouillage des pirogues construites localement à cause de la présence de rochers sur la plage, ce qui fait que seules les embarcations en bois construites à l’étranger peuvent y opérer. Les terrains faisant partie du port ont été attribués à des personnalités influentes et à des hommes d’affaires n’exerçant pas dans ce domaine et n’appartenant pas à la pêche artisanale, ce qui les a poussés à les louer aux acteurs réels.
Dans ce cadre et pour résoudre ce problème, il faudrait recenser les citoyens travaillant dans le domaine de la pêche artisanale et élaborer une base de données par la tutelle qui soit accessible à tous les opérateurs pour qu’ils soient prioritaires pour toute distribution à l’avenir de terrains situés dans les installations portuaires, au lieu des étrangers qui n’ont rien à voir avec la pêche.
Aussi, il serait adéquat d’annuler l’attribution de terrains (portuaires) à ceux qui ne travaillent pas dans ce secteur et leur redistribution aux producteurs réels, avec la participation du ministère de la Pêche et de l’Economie maritime, de la Direction régionale et des organes de sécurités, tels que la Garde côtière, la Gendarmerie et la Police. Si une commission multisectorielle dans laquelle la population ciblée par le projet était représentée, le rendement serait plus important ; par contre, si la responsabilité était unilatérale, la transparence et l’équité seraient de mise. C’est ce que nous devons faire au niveau du port de Ndiago dont l’inauguration s’approche ; c’est la même chose avec le port du Pk 28 au Sud de Nouakchott où les erreurs du port de Tanit ne doivent pas se répéter.
Toujours dans ce cadre, les terrains de ces deux ports ne doivent pas être attribués à des personnalités influentes ou à des hommes d’affaires qui n’investissent pas dans ce domaine. Il faut aussi prévoir une période obligatoire pour l’investissement, les autorités devant obliger les bénéficiaires de ces terrains de payer les taxes au trésor public, pour que cela soit un facteur stimulant afin d’accélérer l’investissement en donnant 15 jours comme délai limite. Tout cela pour faire obstacle aux intrus et aux initiateurs de projets fictifs.
Si cette politique était suivie dans tous les ports, les terrains ne seraient pas pris que par ceux qui sont disposés à y investir directement, ce qui aura un impact positif sur la production au niveau national et sur le niveau de vie des citoyens, mais aussi sur les infrastructures et sur le Trésor public.
Il est aussi indispensable de créer des commissions mixtes où seraient représentés les différents acteurs afin de superviser la gestion de telles installations portuaires très utiles ; celles-ci, exploitées d’une manière optimale, peuvent améliorer sensiblement les conditions de vie des populations et contribuer au renforcement de l’économie nationale par un nouveau levier. Ces commissions sont indispensables pour que chaque port puisse jouer convenablement son rôle et pour que les sommes colossales investies dans la construction de ces ports aient un rendement réel.

 

Usines Moca ..une menace pour la sécurité alimentaire, la santé et l’environnement..

 

 L’ONG « Green Peace » a publié, il y a plus de dix mois, un rapport évoquant les usines de farine de poisson en Mauritanie et leur impact négatif sur l’environnement, notamment sur les océans.
Ces usines sont connues en Mauritanie sous le nom d’ « Usines Moca ». Ces dernières sont installées essentiellement à Nouadhibou, la capitale économique, elles suscitent de vives critiques au sein des populations qui les accusent d’avoir provoqué la pollution de l’environnement et l’océan.
Green Peace a consacré quelques pages au sujet de la pêche en Mauritanie ; son rapport explique comment l’industrie de farine et d’huile de poisson a rapidement évolué durant la dernière décennie. Ainsi, explique-t-elle, le nombre d’usines de farine de poisson a augmenté de 1 en 2005 à 6 en 2011, ensuite à 11 en 2012  pour atteindre 39 en 2015, dont 29 fonctionnent avec une capacité de traitement d’un (1) million de tonnes, 11 autres usines ont obtenu une autorisation, mais elles sont toujours en phase d’installation.
Dans ce même rapport Green Peace de, il est souligné que la Mauritanie est le pays de la sous-région qui s’appuie le moins sur le poisson pour la sécurité alimentaire et sur le marché du travail, tout en ajoutant que le secteur de la pêche demeure très important pour l’économie du pays.
Selon le rapport précité, la pêche offre environ 55000 emplois en Mauritanie, dont 80 % à la pêche artisanale. La moyenne de consommation annuelle en poisson oscille entre 8 et 10 kg, celle-ci peut atteindre 20 kg par personne, en particulier pour ceux qui vivent dans les zones côtières sédentaires. Les petits poissons pélagiques représentent 90 % des captures.
L’étude considère que jusqu’à date récente, les réserves de petits poissons étaient importantes pour le gouvernement comme produits bruts à exploiter et un moyen pour absorber le chômage de la main d’œuvre locale,  et non comme source principale pour l’alimentation. Depuis longtemps et selon cette étude, ces réserves de petits poissons, partagées avec les pays voisins, sont octroyées aux bateaux gigantesques de pêche relevant de certains pays membres de l’Union Européenne. Ces pays sont : le Pays Bas, l’Allemagne, la Pologne, la Lituanie, le Royaume Uni, la France, la Russie, la Géorgie, la Turquie, la Chine, ainsi que les bateaux agitant le pavillon de San Vincent, les Iles de Grenadines, Wales ainsi que certains portant le pavillon mauritanien.
Le même rapport souligne que selon l’Organisation mondiale de l’alimentation et de l’agriculture (FAO), le volume global des captures dans la zone exclusive de Mauritanie s’élève à 794000 tonnes en 2014, avant de baisser jusqu’à 614000 en 2015, pour arriver à 848000 tonnes en 2016. Durant la période de janvier à novembre 2018, les chiffres officiels montrent que les captures sont de l’ordre de 1148287 tonnes, dont 1090380 sont constituées d’espèces maritimes.
Selon cette étude, le traitement de petits poissons pélagiques et leur transformation en farine et huile a considérablement évolué en Mauritanie durant les dernières années. En 2015, plus de 300000 tonnes de petits poissons pélagiques ont été utilisées en industrie de poudres de poissons ; en 2017, les estimations de l’étude révèlent que 550000 tonnes de petits poissons maritimes ont été utilisées pour alimenter les unités de traitement.
Green Peace a recommandé dans son rapport la nécessité de mettre en place un cadre organisationnel afin d’éviter ces pratiques nuisibles à l’environnement, à la santé publique et aux ressources halieutiques du pays.
Les estimations soulignent que le secteur de l’industrie de farine et huile de poisson apporte une valeur ajoutée relativement faible qui atteint 30 % et peu d’emplois saisonniers et non qualifiés. La suggestion principale de cette organisation est de mettre fin à la propagation de ces usines et de fermer la plupart d’entre elles à cause de la menace qu’elle constitue sur la sécurité alimentaire, sur l’écosystème maritime et sur la santé publique, tout en mettant l’accent sur la nécessité de commencer à transformer la filière de petits poissons pélagiques pour être dédiée directement à la consommation humaine.
Par conséquent, le secteur de l’environnement doit imposer les mesures relatives à la protection de l’environnement dans toutes les usines. Telles mesures interdisent la propagation des odeurs, de la fumée et les produits préjudiciables à l’environnement. Toute usine ne remplissant pas les normes standards environnementale scientifiques (internationales) doit être fermée, car la santé est plus prioritaire que le rendement économique, quel qu’il soit. Il incombe aux autorités de se débarrasser progressivement de la production de telles usines, en augmentant les taxes d’exportation et en renforçant les normes.

 

Société mauritanienne de commercialisation des produits de poissons (SMCP).. l’unique écueil bureaucratique dans la région..

 

La SMCP a été créée au milieu de l’année 1984, depuis cette date elle est la seule source de poissons congelés, c’est une société d’économie mixte ; l’Etat possède 70 % de ses actions, tandis que le secteur privé en détient 30 %. Elle a deux succursales, l’une à Nouakchott, l’autre à Nouadhibou.
Cette structure exporte annuellement environ cinquante mille tonnes de congelés, soit la production de cent dix bateaux en hautes mers et 20 usines sur terre.
Les missions de la SMCP sont axées sur la mise en place d’un système de suivi de la production nationale ; elle assure la médiation pour commercialiser les poissons entre la source et l’importateur, elle fixe les prix de poissons. Dans la plupart des cas, elle ne suit pas la tendance offre et demande.
Même si cette mission était importante au temps où la Société a été créée, mais avec le changement du système de marché et l’évolution relative que le pays a connue durant les trois dernières décennies, cette compagnie est devenue un exemple négatif de la version locale du système libéral. Au lieu de rester un levier de l’économie nationale et un accélérateur de son indice de développement, elle en constitue un frein et un écueil ; elle est devenue le seul exemple appartenant au passé dans la sous-région et même dans le monde. Même dans les pays de l’ex Union soviétique, ce modèle n’est plus opérable. Le seul souci de la SMCP est le décompte du taux qui lui revient de l’exportation, à savoir 2 % ; l’investisseur qui se lance dans le marché mauritanien est surpris par le dispositif juridique limitant sa marge de manœuvre en tant qu’entrepreneur, il est aussi conscient de l’ampleur de son aventure en accédant à un marché flou, à cause de la lenteur bureaucratique et la négligence qu’exerce la SMCP.
La manière de travailler de cette société est unique dans le monde, malgré les salaires confortables de ses employés et l’importance qu’accordent les investisseurs à travers le monde à la pêche, cette société demeure une anecdote transocéanique…
Les responsables de la SMCP sont des fonctionnaires administratifs, la plupart d’entre eux n’ont aucune connaissance du secteur, ce qui fait que la majorité des investisseurs ne veulent pas opérer dans ce secteur. L’existence de cette société est contraire à la libéralisation du marché ; cette remarque a été déjà faite par la Banque mondiale.. Elle était indispensable lors de sa création, actuellement elle est dépassée.

 

La Délégation à la surveillance des pêches et au contrôle maritime (DSPCM)   .. Une lueur dans les ténèbres

 

La DSPCM est créée en vertu de l’arrêté n°125-94 qui stipule dans son article 11 « la Délégation est chargée des services de surveillance, des statistiques et du contrôle de déchargement dans les ports ».
Néanmoins, la faiblesse de cette Délégation au début de sa création et la modestie des moyens de l’Etat ainsi que le flottement de la situation politique et économique ont offert l’occasion aux flottes étrangères pour piller les ressources en poisson. L’exemple le plus patent de ce pillage est la convention signée entre la Mauritanie et l’Union Européenne en 1996 en vertu de laquelle le gouvernement autorise quarante bateaux européens de pêcher le poulpe dans le domaine maritime mauritanien. La corruption de la Surveillance maritime et l’incompétence de l’administration locale ont eu pour résultat le pillage de la richesse maritime mauritanienne en poisson et la perte de 80 % de la masse biologique du poulpe durant cette époque. Les opérations de pillage se poursuivaient avec l’entrée des asiatiques au marché, ce qui a multiplié le volume des dégâts consécutifs aux violations des règles de pêche. Néanmoins, la concurrence féroce entre les Européens et les Asiatiques a contribué de nouveau à la reprise de l’économie maritime.
L’année 2005 était une année de grande transformation dans le secteur de la pêche ; la désignation d’une nouvelle direction  à la tête de la Délégation ayant un sens patriotique et les privilèges matériels accordés par le Conseil militaire pour la justice et la démocratie (CMJD) en faveur de la Délégation ont eu un impact positif sur la conduite de la Délégation et la réorganisation d’un secteur  difficile à maitriser. Ainsi tous ses moyens étaient orientés vers les transgresseurs des règles régissant la pêche et contre ceux qui portent atteinte à la souveraineté nationale ou pillent la richesse maritime, avec une indemnité de 48 % des recettes de toute infraction pénalisée. Avant ces dernières mesures, la corruption était le plus grand danger qui menaçait le secteur et ses employés durant la première décennie de mise en place de cette délégation, transformée aujourd’hui en Gardes côtes avec des moyens et équipements modernes. Pour la première fois, le secteur est sous contrôle et les eaux territoriales mauritaniennes sont sécurisées de Ndiago à Legueira par les hommes et les armes, en plus de la gestion de la richesse maritime suivant le plan annuel du secteur ; les licences de pêche octroyées jadis n’étant qu’un alibi pour le pillage et le gâchis. La Délégation a été choisie comme négociateur du gouvernement avec les Européens, cette décision a fait un grand pas dans le secteur de la pêche en 2005, lorsque la mentalité par laquelle le pays était géré a changé et l’esprit patriotique par lequel le dossier de la pêche a été traité, après avoir été durant plusieurs décennies une richesse dévorée par les étrangers, certains particuliers profitant de ses miettes.
La signature de la convention de la pêche en 2006 et les conditions dans lesquelles vivait le négociateur avant sa signature était une grande victoire pour l’Etat mauritanien. Le protocole en annexe de cette convention a été renouvelée en 2008, 2012 et 2014. Des pourparlers ont débuté en vue de renouveler cette dernièer pour une période de quatre ans, de 2015 à 2019. La période de 2015 était particulièrement difficile à cause des tensions avec les Européens, notamment lorsque toutes les demandes présentées par ceux-ci, portant sur certains points classés officiellement dans la rubrique des constantes nationales, ont été rejetées. Ce volet a failli mettre en échec la convention bilatérale avec l’UE. Les Européens ont, au début, choisi l’un des caciques des négociations des années quatre vingt dix du siècle passé, Cesari Robert, en tant que représentant de confiance auprès des armateurs européens, grâce à sa longue expérience durant l’anarchie et l’absence de l’Etat mauritanien. Finalement, les négociateurs mauritaniens ont obligé les Européens de changer la composition de leur délégation dans les négociations ; l’UE s’est effectivement rendu compte  qu’il y a un changement en Mauritanie, par conséquent ils ont changé la délégation et son chef qui appartient à une époque révolue de conventions humiliantes avec les Européens.
La Délégation a permis la réalisation de plusieurs points positifs pour les ressources halieutiques en Mauritanie et pour ceux qui s’y intéressent. On ne vend plus de licences mais plutôt des captures, avec l’obligation de faire le déchargement dans les ports mauritaniens, après avoir longuement eu l’habitude d’aller à leurs pays, sans contrôle, ni inspection ; Ils ont été aussi tenus de recruter 60 % de la main d’œuvre mauritanienne à bord des bateaux, avec l’interdiction de pêcher les mollusques et la détermination d’une distance à partir de laquelle il est interdit de s’approcher pour qu’elle reste spécifique pour les acteurs opérant dans le domaine de la pêche artisanale.
La Délégation a protégé la réserve nationale des richesses renouvelables (tout le monde le sait). Avant son implication, le poisson mauritanien était vendu au marché international à un prix moins cher qu’au marché local ; la concurrence entre les flottes nationales et celles étrangères était disproportionnée et illégale, les flottes nationales étaient assujetties à une série de contraintes, taxes, impôts et autres charges constituant un fardeau pour l’investisseur mauritanien. En même temps, les flottes étrangères bénéficiaient d’un traitement préférentiel, elles étaient exemptées de beaucoup de conditions et charges, ce qui est contraire aux conventions internationales. A cette concurrence inégale et illicite, s’ajoute le fait que ces flottes étrangères pillaient et déchargeaient leurs cargaisons dans les ports étrangers, ce qui signifie que les richesses mauritaniennes étaient pillées gratuitement et sans contrepartie. C’est ainsi que la Délégation a fait entrer des recettes non négligeables au Trésor public, avec le pourcentage incitatif qui lui revient. La plus importante réalisation de la Délégation, dans le cadre de la protection de la préservation des potentialités et la collecte de recettes pour le Trésor public, était de réduire les quantités de captures de poulpe faites par les bateaux étrangers. Ainsi, les négociations entre la Délégation avec les partenaires étrangers avaient abouti à un accord, aux termes duquel ces derniers laissent 70 % de cette espèce à la pêche artisanale mauritanienne ; la Délégation a supervisé la nationalisation de 60 embarcations étrangères suite à des infractions commises par les responsables de celles-ci, leur propriété a été acquise par des mauritaniens, ce qui a engendré des emplois effectifs pour des chômeurs mauritaniens. La Délégation a aussi apporté le service de produits pétroliers qui est devenu l’objet d’une concurrence internationale pour approvisionner les bateaux, injectant des sommes importantes dans le fonds national des hydrocarbures.

Malgré le rôle de la Délégation dans la préservation des potentialités halieutiques mauritaniennes et son succès concrétisé par des sommes d’argent importantes versées au Trésor public grâce aux taxes, droits et patentes imposés aux flottes de pêche étrangères en infraction, de graves problèmes minent toujours ce secteur qui requièrent une réelle réorganisation, commeم celle qui a été introduite par la DSPCM.

Ali Mohamed Ould Ebnou/ Journaliste et militant des droits de l’Homme